Kongress von Verona

Cabt Cabinet françois. Cadre d’Instruction pour le Ministre de France à Madrid

M. Monsieur le Comte, Vous savez que le Roi n’a pu voir sans la plus vive douleur la situation où de fatales circonstances ont placé la Monarchie Espagnole. S. M. Sa Majesté a pensé que quelques explications franches entr’Elle et le Gouvernemt Gouvernement de S. M. C. Sa Majesté Catholique 2 pourroient influer favorablemt favorablement sur cette situation, de même que sur les relations qui doivent exister entre les deux Etats. Elle Vous charge donc, M. Monsieur le Cte Comte , de transmettre les observations & les communications suivantes :

Depuis le moment où la France a été rendue à Son Gouvernemt Gouvernement légitime, Elle a mis tous ses soins à entretenir avec l’Espagne les relations de bonne intelligence & d’amitié qui doivent si naturellemt naturellement unir les deux Etats. Les changemens qui ont eu lieu dans les Institutions Espagnoles ont été accompagnés de circonstances qui devaient fixer l’attention de l’Europe, la position de la France l’obligeoit à y prendre un intérêt particulier : Elle ne pouvoit perdre de vue que la révolution d’Espagne 3 s’était faite sous la plus criminelle comme la plus dangereuse des influences, une insurrection militaire. Elle a toutefois respecté le mouvement qui portoit les esprits vers ce qu’ils regardaient comme des améliorations. Heureuse des institutions que Son Roi lui a données, la France croyoit ne devoir point s’immiscer dans les débats intérieurs d’un païs voisin quand ces débats surtout s’attachaient à des changemens dans les formes de son Gouvernemt Gouvernement .

Le choc des opinions anciennes et nouvelles a compliqué la révolution d’Espagne. Le dogme fatal qui a répandu tant de maux sur l’Europe, en suggérant aux Peuples de fausses & pernicieuses idées sur la nature de leurs droits, a été proclamé ; il a dû entraîner après lui de funestes dissentions. La guerre civile a éclaté, ce n’est principalement dans les provinces voisines des frontières de la France qu’elle a porté ses ravages. Le Gouvernemt Gouvernement du Roi devait veiller à ce que ces luttes sanglantes ne vinssent pas troubler le repos & compromettre la sureté des provinces françoises placées près de leur théâtre. Il avoit établi contre la contagion qui a dévoré la population de Barcelone un cordon de troupes ; il a dû maintenir un corps d’observation pour préserver ses sujets d’un danger nouveau.

Les motifs même énoncés dans l’ordonnance qui l’a proclamée, les explications qui ont été franchemt franchement données au Gouvernet Gouvernement Espagnol, ont dû lui prouver qu’il n’avoit à prendre aucun ombrage de cette mesure de prudence consacrée par les exemples de tous les tems, ce qui a déjà reçu l’assentiment de toute l’Europe.

La France n’a pu se dissimuler cependant que depuis le moment où la révolution d’Espagne a éclaté les rapports des deux Pays ont peu a peu changé de nature.

La confiance & la bonne harmonie ont fait place à de la gêne & de la froideur. Elle a conservé pour l’Espagne ses sentimens d’intérêt & d’affection, ils ont été moins appréciés.

Les hommes qui, au milieu des troubles de leur patrie, font dégénérer en principes révolutionnaires les idées d’une sage liberté ont gratuitement supposé au gouvernemt gouvernement du Roi l’intention d’empêcher le développement de ces idées en Espagne. Ils ont trouvé en France des esprits exaltés qui ont accueilli leurs préventions et qui, peut-être, ont fondé sur l’union des malveillans des deux païs de coupables espérances.

L’effet malheureusemt malheureusement trop certain de pareilles menées est d’influer sur l’opinion publique.

Dans les deux païs elle s’est égarée sur de tristes conjectures parmi lesquelles s’est placée la chance d’une mésintelligence ouverte entre les deux Gouvernemens. La conduite de quelques autorités espagnoles, le langage public de plusieurs membres du Ministère, celui des gazettes qu’il protège, n’ont donné à ces conjectures que trop de vraisemblance.

Un tel état de choses est trop pénible au Gouvernemt Gouvernement du Roi pour ne pas exciter toute sa sollicitude. Les conséquences qu’il entraîne peuvent devenir assez dangereuses pour lui donner des appréhensions sur sa propre sécurité et compromettre ses intérêts essentiels.

Mais, il doit le dire, ses propres inquiétudes dans de si graves circonstances l’occupent moins que l’idée des maux qui tourmentent déjà l’Espagne et de ceux qui semblent la menacer.

Le fléau d’une guerre civile, la pénurie de ses finances, la séparation imminente de ses plus belles colonies avec lesquelles la France désireroit si vivemt vivement lui voir rétablir d’heureux rapports, tels sont les élémens principaux d’une situation assez périlleuse pour déterminer le Gouvernemt Gouvernement espagnol à chercher franchemt franchement les moyens de ne pas la compliquer davantage.

Il semble que l’un de ses soins à cet égard doit être de se rapprocher de la France et, on peut le dire, de se rapprocher de l’Europe. Le Gouvt Gouvernement espagnol sait que les grandes puissances de l’Europe se croient solidairemt solidairement intéressées à maintenir une tranquillité qu’Elles ont reconquise au prix de tant de sang ; qu’Elles se sont solemnellemt solemnellement unies pour atteindre ce but ; et que, tenant à l’Alliance par des principes et des vues uniformes, chacune des Cours est forte de l’assentiment de toutes.

Le Roi n’a pu s’empêcher de saisir l’occasion que lui offroit le congrès de Vérone pour suivre l’inspiration de Ses intentions généreuses. Il a fait parler par Ses Plénipotentiaires un langage qui ne pouvoit laisser aucun doute à Ses Alliés sur Ses dispositions bienveillantes & pacifiques envers l’Espagne . Il a cherché avec eux par un franc & loyal examen de nouveaux moyens pour conserver la paix, et dans le cas (qu’Il était condamné à prévoir) où de funestes conseils, prévalant en Espagne, feraient attaquer ou menacer la France, il a désiré connoître ce qu’il devoit attendre de la solidarité de la Grande Alliance si S. M. Sa Majesté avoit à repousser les dangers d’une injuste aggression. La confiance du Roi n’a pas été trompée : l’appui le plus noble et le plus généreux lui a été assuré si les circonstances l’obligeoient à le réclamer.

Mais ces assurances données contre les chances d’un avenir que S. M. Sa Majesté se plait à considérer comme possible encore à éviter n’ont rien changé au système de modération dont Elle fera toujours la règle de sa conduite, ni aux sentimens qu’Elle professe envers le Roi & la Nation Espagnole. C’est comme parent et comme ami que le Roi cherche encore aujourd’hui tous les moyens de ramener au sein de la gde grande famille européenne un Pays que sa position, d’anciens exemples et le caractère énergique de ses habitans appellent aux plus hautes destinées.

C’est pour atteindre un but aussi désirable que les puissances alliées sont convenues d’adresser par leurs agens en Espagne les remontrances les plus fortes sur les fâcheux résultats que peut avoir l’état où se trouve Son Gouvernemt Gouvernement . C’est aussi dans cette intention que le Roi a ordonné que cette Dépêche Vous fût adressée. S. M. Sa Majesté désire, Mr Monsieur le Cte Comte , que Vous en donnies communication au Gouv. Gouvernement Espagnol ; Vous en pourrez égalemt également faire usage près de toutes les personnes en qui Vous reconnoîtres quelque influence, ne négligeant aucun moyen pour bien faire connoître que le désir le plus ardent de S. M. Sa Majesté est celui qu’Elle partage avec tous les Souverains Ses Alliés est de voir la généreuse Nation espagnole trouver, dans son propre sein, un remède aux maux qui la déchirent.

Cherchez à les éclairer sur ce que réclament leurs plus pressans intérêts ; dites-leur que tous les vœux seront pour Elle du moment où on la verra rentrer pleinement dans un état de calme, d’ordre & de sagesse, et donner à l’Europe des garanties propres à faire cesser les inquiétudes légitimes qu’Elle a dû concevoir.