Kongress von Verona

Procès-Verbal

d’une conférence particulière entre Mrs. Messieurs les Ministres des Cabinets d’Autriche, de Prusse et de Russie, et Mr. Monsieur le Prince de Ruffo.

Dans la conférence particulière de ce jour Mr Monsieur le Prince de Ruffo a fait lecture de la note ci-annexée, par laquelle Sa Majesté Sicilienne l’a chargé de prévenir Ses Augustes Alliés,

Que dans le cas, où Elle le trouveroit nécessaire, Elle demanderoit à S. M. Sa Majesté l’Empereur d’Autriche de vouloir bien à l’expiration du terme stipulé pour l’occupation militaire du Royaume des Deux-Siciles continuer à laisser à Sa disposition un nombre de troupes correspondant à la situation dans laquelle se trouveroient alors Ses Etats.

Mr. Monsieur le Prince de Metternich a observé sur cette proposition,

Que S. M. Sa Majesté l’Empereur, Son Maître, ayant toujours regardé l’occupation militaire d’un pays étranger comme une nécessité fâcheuse à plus d’un égard, et ne pouvant par conséquent admettre qu’avec beaucoup de peine le cas prévu par S. M. Sa Majesté Sicilienne, ne cesseroit de se livrer à l’espoir que la présence de Ses troupes dans le Royaume des Deux-Siciles ne se prolongeroit point au delà du terme indiqué dans la Convention du 18 Octobre 1821 ;

Que si toutefois l’hypothèse pénible mise en avant dans la note de Mr. Monsieur le Prince de Ruffo devroit se réaliser, S. M. Sa Majesté Impériale ne se refuseroit pas à prendre en considération avec Ses Augustes Alliés le parti qu’il seroit convenable de prendre dans une supposition pareille.

Mr. Monsieur le Comte de Nesselrode a déclaré au nom de S. M. I. Sa Majesté Impériale de Toutes les Russies : Que l’Empereur, persuadé que S. M. Sa Majesté Sicilienne trouvera pendant l’intervalle qui s’écoulera jusqu’à la retraite des troupes auxiliaires au terme prévu par la Convention du 18 Octobre les moyens de se dispenser de tout secours étranger pour le maintien de la tranquillité dans Son Royaume, ne pouvoit admettre qu’avec une véritable peine le cas auquel se rapportoit la note de Mr. Monsieur le Prince de Ruffo ; que si cependant contre tous les vœux de S. M. Sa Majesté Impériale ce cas venoit à se réaliser, Sa Majesté seroit prête à le prendre en considération avec Ses Augustes Alliés.

Mr. Monsieur le Comte de Bernstorff a déclaré qu’intimement convaincu que le Roi, son maître, jugeroit la question tout comme Ses Augustes Alliés L.L. M.M. Leurs Majestés les Empereurs d’Autriche et de Russie, il n’hésitoit pas à garantir la disposition de Sa Majesté à concourir, le cas échéant, aux résolutions qui seroient jugées nécessaires ou admissibles pour satisfaire S. M. Sa Majesté Sicilienne.

Il a été en outre arrêté que le présent Procès-Verbal restera entièrement secret, et qu’il n’en sera donné copie qu’à Mrs. Messieurs les Ministres qui ont assisté à cette conférence.

Metternich
Bernstorff Ruffo
Nesselrode
Tatistscheff
Note remise par Mr. Monsieur le Prince Ruffo à la conférence particulière du 13 Décembre 1822

Sa Majesté Sicilienne, qui voue à tant de titres une confiance absolue à Ses bons et intimes Alliés, a chargé Mr Monsieur le prince de Ruffo de faire à leurs Cabinets la communication suivante.

Elle contient sans réserve le fond de la pensée du Roi ; elle est donc de la nature la plus confidentielle.

C’est avec douleur que S. M. Sic. Sa Majesté Sicilienne reconnait tous les jours davantage les difficultés nombreuses qui retardent le rétablissement de l’ordre dans Ses états. L’expérience des cinq années qui ont suivi la restauration de 1815 jusqu’à l’époque de la révolution de 1820 2 n’a que trop prouvé combien le mal y est profond.

L’administration la plus sage et la plus paternelle, la justice la plus impartiale, le pardon le plus entier – rien n’a pu conjurer cet esprit de vertige qui a entraîné le royaume dans un nouvel abyme. Placé sous de telles circonstances, ce n’est qu’avec lenteur que le Gouvernement du Roi peut opérer solidement l’œuvre complète d’une restauration rendue plus difficile encore par l’agitation contagieuse des commotions populaires de l’Espagne 3 et de la Grèce.4 L’ébranlement général des opinions et des principes rend les hommes dignes de confiance rares et difficiles à trouver. De là naissent principalement toutes les difficultés qui s’opposent à la composition de l’administration et des tribunaux, et à la réorganisation de l’armée. L’éloignement que le peuple a pour le métier des armes rend difficile le recrutement volontaire et met un obstacle invincible au rétablissement d’un sistème de service forcé qui est odieux. Ce n’est donc qu’avec l’appui de l’armée que Ses Alliés ont bien voulu mettre à Sa disposition que S. M. Sic. Sa Majesté Sicilienne pourra successivement parvenir à rétablir Son gouvernement et l’ordre public sur des bases telles qu’elles puissent en garantir la durée.

La Convention militaire signée le 18 Octobre 1821 détermine l’occupation jusqu’à l’époque correspondante de l’année 1824. S. M. Sic. Sa Majesté Sicilienne , dominée par la pensée du besoin qu’éprouvent Ses sujets d’être tirés de l’état de désordre dans lequel 25 années de bouleversement successif les ont plongés, prévoit avec chagrin que deux années ne suffiront pas pour lui faire atteindre le but de Ses constants efforts. Il croit donc d’avance devoir prévenir Ses Alliés que pour le cas où il le trouverait nécessaire, il demandera à S. M. Sa Majesté l’Empereur d’Autriche de vouloir bien à l’expiration de l’occupation stipulée continuer à laisser à Sa disposition un nombre de troupes correspondant à la situation dans laquelle se trouveraient alors Ses états.

Mr Monsieur le prince de Ruffo a reçu l’ordre de S. M. Sic. Sa Majesté Sicilienne de prévenir les représentants des Souverains, Ses Alliés, de cette détermination éventuelle, et se flatte qu’ils voudront bien y donner leur assentiment.